Mon amie Barti m’a demandée si j’étais disponible pour donner des cours d’anglais à 3 ou 4 femmes d’un programme de « women empowerment » de l’ONG pour laquelle elle fait du volontariat. Il me reste un mois et demi avant mon retour pour des « vacances » en France, et je ne suis pas franchement débordée, j’ai donc accepté.
Ceux qui me connaissent depuis ma tendre enfance, savent que j’ai toujours aimé « jouer à la maîtresse » (jusqu’à l’adolescence). Dans le monde professionnel, cela s’est traduit par du plaisir à former et à transmettre, et, à Lyon dernièrement, je me renseignais sur la possibilité de donner des cours sur les ressources humaines à des étudiants.
L’anglais n’est pas ma langue maternelle, je n’ai pas les compétences de mon amie agrégée Marion prof d’anglais en classe prépa, mais je le parle plus ou moins couramment, plus ou moins avec des erreurs. Barti me certifie que je peux apporter des choses à ces femmes, et je me lance à fond dans cette mission, à raison de 2 cours par semaine jusqu’à mon départ (soient 8 heures de cours).
En manque de stimulation intellectuelle et de réflexion, j’ai préparé chacun de mes cours sur power-point, en essayant d’avoir l’approche pédagogique la plus adaptée aux besoins de mes élèves. Vous qui n’en pouvez plus de power-point au travail, vous n’imaginez pas ce que j’étais contente d’en faire !
J’étais très stressée en arrivant à mon premier cours, alors que personne ne me mettait de pression. La salle de classe servait aussi de bureau et d’infirmerie. Il y avait un grand tableau à craie avec des craies (j’adore!), et un ventilateur. A ma grande surprise, mes élèves s’assirent à même le sol et avaient apporté cahier et crayon. J’ai dépensé beaucoup d’énergie mais c’était un vrai plaisir, et un vrai moment d’échange avec des Indiennes du quartier populaire de Tadiwala.
Ce qui était attachant, c’est qu’elles étaient systématiquement inquiètes de mon état de santé, de comment je m’asseyais sur les chaises ou la table, ou que je ne tombe pas dans les escaliers. Elles ont parié que j’attendais un petit garçon, qui s’appellerait Bendel. Elles étaient curieuses également sur la France, mon mari, mon mariage, et quelques mots de vocabulaire en Français. Elles n’arrivaient pas à m’appeler par mon prénom, j’ai eu le droit au « Mam », et demandaient la permission pour boire leur thé ou aller aux toilettes.
J’ai eu 2 élèves à peu près présentes à l’ensemble des cours, du programme couture, Varsha (30ans) et Sunita (60ans). Très appliquées et participatives, avec une vraie envie d’apprendre. Varsha était accompagnée de sa fille de 5 ans qui grignotait des chips et s’inventait des histoires pendant le cours. J’ai eu 3 autres femmes qui sont venues chacune une fois et 3 adolescentes qui sont venues 2 fois, mais qui papotaient plus qu’elles ne participaient.
La bonne surprise est qu’elles connaissent notre alphabet, donc peuvent le lire, épeler les mots et comprendre ce que j’écrivais au tableau, les power-point que je montrais sur mon écran d’ordinateur ou les supports que je leur imprimais pour chaque cours. Nous commencions systématiquement en retard, et terminions encore plus en retard. Le système scolaire indien leur a apporté du vocabulaire bien ancré, tels que les nombres, les jours/mois, les couleurs etc… Nous avons principalement travaillé sur le fait de se présenter en faisant des phrases correctes, sous la forme d’un monologue ou d’une discussion. Nous avons aussi travaillé le vocabulaire des émotions, mais là, c’était beaucoup plus compliqué et je me suis transformée en mime pour leur expliquer les mots…
Beaucoup d’improvisation dans les sujets enseignés, en fonction des questions de mes élèves et des éléments dont j’avais besoin pour leur expliquer certaines bases. Je ne suis pas sûre que Marion approuverait toutes les règles de grammaire que j’ai partagées, mais le cœur y était!
Lors du dernier cours, j’ai remis une attestation de présence sous forme de diplôme à Sunita et Varsha, elles étaient ravies ! Elles m’ont offert une fleur en remerciement et m’ont sommée de revenir leur présenter Bendel début 2020.